Le droit des marchés financiers
Voltaire releva très tôt le paradoxe au sein des marchés financiers. Il en témoigne dans ses écrits: « entrez dans la bourse de Londres… Là, le juif, le mahométan et le
chrétien traitent l’un avec l’autre comme s’ils étaient de la même religion, et ne donnent le nom d’infidèles qu’à ceux qui font banqueroute » Si l’apport de cette citation reste d’actualité, les notions de bourses et de marchés financiers ont profité depuis d’un essor assez fulgurant. A l’époque, le marché financier n’était qu’un lieu centralisé « La bourse», où se réunissaient les vendeurs et les acheteurs d’instruments financiers. En effet, le terme « bourse » trouve ses sources en Belgique au XIVème siècle, et signifiait la place devant le palais de la famille Van Der Beurze où les commerçants se réunissaient afin de conclure des affaires d’achat et de vente2.
Dans un premier temps, les instruments financiers étaient essentiellement émis par l’Etat sous forme de bons du trésor, de certificats etc., jusqu’à ce que les particuliers aient commencé au fur et à mesure à s’échanger des actions de sociétés. En France, l’arrêt du Conseil d’Etat du 24 septembre 1724 avait bien précisé que le marché financier était centralisé dans une grande-ville et activement contrôlé par l’Etat3 , alors qu’à Londres, les marchés financiers étaient décentralisés dans le sens où ils regroupaient des entreprises privées qui proposaient à des acheteurs et vendeurs potentiels des contrats d’achat et de vente d’instruments financiers4.
De nos jours, et suite à la dématérialisation et au développement télématique, les marchés financiers ne peuvent plus être liés à un certain ‘lieu’, mais sont désormais définis comme étant un ‘système’ . Cette définition porte un double sens. D’une part, c’est un ensemble de règles non discrétionnaires qui vont organiser la rencontre d’ordres d’achat et de vente d’instruments financiers. D’autre part, c’est aussi la plateforme électronique technique qui exécute les ordres, fait les calculs, etc. Cette notion de marchés financiers a été initialement mise en place dans le but de financer l’économie. En d’autres termes, les marchés financiers ont été créés et développés comme moyen pour financer l’Etat et les entreprises , surtout que durant les XVIème et XVIIème siècles, à l’époque de la découverte du continent américain par les européens et de la conquête du monde, les entreprises avaient besoin de pouvoir revendre l’argent qu’ils apportaient de leurs voyages. En plus de cette fonction de financement, assurée par le fait de mettre en relation les émetteurs (l’Etat puis les entreprises) et les investisseurs, les marchés financiers ont aussi une fonction d’échange . En effet, les investisseurs acceptent d’acheter les instruments financiers des émetteurs, tant qu’ils sont sûrs et certains qu’ils pourront les revendre. Une troisième fonction de couverture est venue s’ajouter aux deux fonctions précitées assurées par les marchés financiers. Ainsi-dit, certains marchés financiers, comme les marchés dérivés, permettent aux opérateurs de se couvrir contre une variation adverse du prix d’une marchandise, d’une monnaie, d’un taux d’intérêt, etc.
Ces trois fonctions assurées par les marchés financiers ne peuvent être réalisées dans un marché absolument libre, tel que l’a perçu Adam Smith (avec la théorie de la main
invisible). D’ailleurs, l’Histoire nous a clairement montré depuis la ‘Grande dépression’ (ou la crise économique de 1930) jusqu’à la crise financière mondiale de 2007-2008
provoquée par la crises des subprimes, que le libéralisme économique absolu a des conséquences très éloignées des principes d’égalité et d’équité qu’il promeut, voire il
conduit parfois à des crises économiques qui affectent des sociétés entières. Il s’est ainsi avéré nécessaire d’établir un cadre juridique et réglementaire tant pour les
transactions sur le marché que pour les acteurs actifs sur celui-ci eux-mêmes, afin d’assurer encore plus d’égalité entre les investisseurs, d’une part, et d’éviter de nouvelles
crises économiques d’autre part. Ceci-dit, la genèse d’un droit qui régit ces marchés fut une nécessité vu la place cardinale qu’occupent les marchés financiers dans l’économie moderne et la nécessité de répondre aux besoins économiques précités. Un droit relativement récent dans le droit positif, à vocation universaliste au regard de l’interconnexion entre les différents marchés financiers10, et surtout un droit de pratiques11 assez instrumentalisé, tout comme l’a décrit Prof. Anne-Catherine Muller « un droit qui se caractérise par la profusion de ses sources et ses normes, par un renouvellement constant de ses règles dont la teneur juridique est généralement faible ».
Comment schématiser le droit des marchés financiers? Quelles sont les composantes de cette matière technique? Qui sont ses acteurs? Quels sont les produits échangés par ceux-ci? A travers qui et comment l’Etat intervient-il pour régulariser ces marchés afin de pouvoir éviter toute crise économique potentielle?
Pour répondre à toutes ces questions, on divisera cet essai de mapping en deux grandes parties: la première couvrira le cadre organisationnel et régulateur des marchés financiers (I), alors que la deuxième traitera du cadre opérationnel de ces marchés (II)
Les différents types de marchés financiers
Avant de plonger dans le cadre ‘micro’ des marchés financiers, il semble utile dans un cadre ‘macro’ de distinguer entre les différents types de marchés financiers existants
de nos jours en suivant trois classifications. Dans un premier lieu, il faudrait distinguer entre les marchés gouvernés par les prix et ceux gouvernés par les ordres. Sur les premiers, les ordres d’achat et de vente d’instruments financiers sont faits par les investisseurs auprès d’un intermédiaire financier appelé le teneur du marché ‘Market maker’ ou contrepartiste. Celui-ci fixe le prix d’achat ‘Bid’ et le prix de vente ‘Ask’ après avoir reçu les ordres d’achat et de vente de la part des investisseurs et suivant le stock disponible chez lui et la valorisation des instruments qu’il détient. Ainsi, le prix des instruments ne sera pas fixé par les ordres finaux mais par le contrepartiste, surtout que dans ce type de marchés on est en présence de plusieurs bourses, chacune représentée par un teneur du marché. Ce type de marchés n’est pas centralisé, contrairement aux marchés gouvernés par les ordres. Dans ces derniers, les ordres d’achat et de vente des investisseurs sont en confrontation directe. Par conséquent, dans le cas où un investisseur désire acheter un instrument financier, il ne peut le faire que sur le marché centralisé, et cela, à un prix identique pour tous les investisseurs à un moment donné, résultant de la confrontation de l’ensemble des ordres d’achat et de vente portant sur cet instrument.
Chacun de ces deux types de marchés présente un avantage majeur. Le premier, soit le marché gouverné par les prix, profite de plus de liquidité que le second. L’exécution des ordres d’achat et de vente sur ce type de marchés est immédiate, le teneur du marché doit assurer la contrepartie, surtout qu’il lui incombe d’assurer l’équilibre du marché en compensant les déséquilibres temporaires entre l’offre et la demande par des achats et des ventes sur son propre stock d’actifs. Alors que le second, soit le marché gouverné par les ordres, assure une égalité entre tous les investisseurs sur le marché, et cela, à travers un prix identique pour tous les acheteurs d’un instrument financier particulier à un moment déterminé.
Dans un second lieu, il faut distinguer entre les marchés de financement ou aussi les marchés au comptant d’une part, et les marchés dérivés ou aussi les marchés à terme
d’autre part. Sur le premier, il y a un échange d’instruments financiers en contrepartie de l’argent. Sur le second, le vendeur ne livre pas un bien et l’acheteur ne paie pas un prix, mais l’un ou l’autre paie le prix de la différence entre la valeur du bien lors de la conclusion du contrat et sa valeur à l’échéance du terme. Ainsi, les marchés dérivés ont
été définis par Vincent Lauwick comme étant les marchés sur lesquels sont négociés « l’ensemble des instruments financiers permettant de se couvrir contre une variation
adverse – ou de bénéficier d’une variation anticipée – du cours des actifs dits ‘sousjacents’, tels que les actions, les matières premières, les indices boursiers, les cours de
change ou les taux d’intérêt ».
Dans un troisième lieu, il faut aussi distinguer entre les marchés règlementés et ceux non réglementés. Les premiers sont étroitement contrôlés par l’autorité publique. Ils sont gouvernés par les ordres de telle sorte qu’ils sont les plus sophistiqués et les plus sûrs. On peut citer à ce niveau-là à titre illustratif la Bourse de Beyrouth, Euronext Paris, New York Stock Exchange, etc. Toutefois, en Europe, contrairement à ce qui est prévu en droit
Ces différentes classifications soulevées, il faut ainsi comprendre l’organisation des
marchés financiers, avant de foncer dans leur cadre opérationnel.
I- Le cadre organisationnel et régulateur des marchés financiers
Les marchés financiers représentent une matière qui nécessite, par soucis d’efficacité et de survie, une organisation bien définie (A), et des corps régulateurs qui interviennent afin d’assurer une égalité entre les différents intervenants sur ces marchés (B).
A- L’infrastructure des marchés financiers
Pour qu’un marché financier puisse fonctionner effectivement, il a bien besoin d’une infrastructure tripartite qui assure la réalisation des activités nécessaires tant à sa viabilité qu’à sa fiabilité.
1- L’entreprise de marché
L’entreprise du marché s’occupe de la gérance du marché. En Europe, depuis la directive MIF 114, elle prend la forme d’une société commerciale de droit privé. Ainsi, la
bourse n’est plus un service public, mais une société de droit privé cotée sur son propre marché. Au Liban, suivant les dispositions du décret-loi n◦ 120 du 16/9/1983 et le décret 4729 du 30/3/1988 et le décret du ministère des finances n◦ 7667, la bourse est toujours un établissement public « La bourse de Beyrouth », et cela malgré les dispositions de la loi sur les marchés financiers du 17 août 2011, qui ont bien exigé sa transformation en une société anonyme libanaise dans un délai d’un an de la formation du conseil de l’autorité des marchés financiers.
L’entreprise de marché pose les règles qui régissent le marché, et cela sous le contrôle de l’autorité des marchés financiers d’une part, et gère la plateforme technique utilisée à cet effet d’autre part.
Les règles peuvent être réparties en trois grandes catégories:
– les règles qui précisent les conditions d’admission des instruments aux
négociations (ex: la diffusion d’un minimum de titres, une certaine valeur minimale etc.) ;
– les règles qui précisent les conditions d’admission des professionnels comme membres du marché (ex: un capital social minimal, la nature des activités
exercées) ;
– les règles concrètes des négociations (et surtout les règles relatives à la transparence pré et post négociation).
Il faut préciser qu’une entreprise de marché peut gérer un ou plusieurs marchés réglementés, ou même des systèmes multilatéraux de négociation. Ces derniers, et contrairement aux marchés réglementés, peuvent être aussi gérés non seulement par des entreprises de marchés mais aussi par des prestataires de services d’investissement (PSI ). Toutefois, dans le souci d’assurer une rapidité et une sécurité au niveau de l’exécution de ces marchés gérés par l’entreprise de marché, une chambre de compensation vient assurer ces tâches.
2- La chambre de compensation
Dès qu’une transaction est conclue sur tous les marchés réglementés et sur la plupart des marchés non réglementés, elle est enregistrée dans la chambre de compensation.
Celle-ci est chargée de la simplification des paiements, en agrégeant l’ensemble des positions de chaque membre du marché, et en calculant quotidiennement, après
compensation multilatérale, le solde en titre et en cache que doit livrer et payer chaque membre du marché.
De plus, cette chambre s’interpose entre les parties d’une transaction. En devenant l’acheteur du vendeur et le vendeur de l’acheteur, elle supprime pour chacune des deux
parties le risque de défaillance de l’autre partie cocontractante. Une troisième fonction de sécurisation des opérations à terme propre aux marchés dérivés
est venue s’ajouter aux deux fonctions assurées par cette chambre. En Europe, la chambre de compensation est à son tour une société commerciale de droit privé. Le règlement EMIR (European Market Infrastructure Regulation) 15 a laissé aux Etats membres le soin de déterminer l’autorité nationale compétente pour délivrer
l’agrément. En France, celle-ci doit avoir l’agrément exigé pour tout établissement de crédit, soit l’agrément de la Banque centrale européenne, sur proposition de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), après consultation de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de la Banque de France. On peut citer à titre d’exemple, la société London Clearing House Clearnet (LHC Clearnet). Au Liban, cette tâche est toujours assurée suivant la loi 139/1999 par la société MIDCLEAR S.A.L., une société
commerciale de droit privé détenue à 99,79% par la Banque du Liban (BDL). L’infrastructure des marchés financiers est complétée par un organe qui se charge à côté
de la chambre de compensation de l’efficience des marchés financiers et de la stabilité du
système financier.
3- Le dépositaire central de titres (CSD)
Les transactions faites sur les marchés doivent être enregistrées afin d’éviter la disparition de titres sur le marché d’une part, et l’inflation de titres suite à la création de
titres artificiels de l’autre. A cette fin, le CSD tient des comptes ouverts au nom de tous les prestataires de services d’investissement PSI qui exercent l’activité de tenue de
comptes conservateurs (TCC), c’est-à-dire les comptes des instruments financiers qui sont détenues par les PSI (les comptes propres) d’une part, et ceux détenues par les
clients de ces PSI (les comptes des tiers) d’autre part. Cette tâche notariale couvre aussi les comptes émissions ouverts aux émetteurs dont les titres sont cotés. En parallèle, le CSD contribuent à l’étanchéité du système en s’assurant continuellement que le nombre d’instruments financiers enregistrés aux comptes de ses adhérents
correspond au montant total de chaque émission. Étant la dernière perle au niveau de l’infrastructure du marché, le CSD doit assurer le règlement-livraison. Sur instruction de la chambre de compensation, il assure le transfert des titres et le paiement par virement de compte à compte.
En Europe, les CSD ont été définis par le règlement du Conseil de l’Union Européenne n°909 du 23 juillet 2014 relatif à l’amélioration du règlement des opérations sur titres
dans l’Union Européenne et les dépositaires centraux de titres16 . Les dépositaires centraux de titres prennent aussi la forme d’une société commerciale de droit privé et,contrairement aux chambres de compensation, sont dispensés de la qualité d’établissement de crédit. Par conséquent, ils n’ont besoin que de l’agrément de l’AMF
après consultation de la Banque de France. Au Liban, ces fonctions sont assurées par la société MIDCLEAR S.A.L. Cette société joue ainsi un double rôle sur le marché en tant que chambre de compensation d’une part, et de dépositaire central des titres de l’autre. Suivant les dispositions de l’article 34 de la loi 161/2011, cette société regroupe entre ses mains deux des trois composantes de l’infrastructure des marchés financiers au Liban, ou plus précisément elle détient les composantes de l’infrastructure post-marché. Il est à signaler enfin que toute l’opération d’achat et de vente de l’entreprise du marché au dépositaire central passant par la chambre de compensation, est normalement réalisée dans un délai de trois jours.
Toutefois, même un marché bien organisé où l’infrastructure est bien dessinée, ne pourra fonctionner sans une autorité régulatrice qui garantit le respect des lois et règlements régissant ce marché et contrôle ses acteurs.
libanais, et ce, depuis la directive européenne MIF 1 du 21 avril 2004, les marchés réglementés ont été mis en concurrence avec d’autres modes d’exécution d’ordres classés
dans la catégorie de marchés non réglementés. Ceux-ci sont eux-mêmes subdivisés en deux catégories: les marchés de gré à gré d’une part, et les marchés organisés de l’autre. Les premiers sont des marchés sur lesquels la loi des parties est la seule qui prévaut. Ils ne bénéficient d’aucune reconnaissance officielle de l’Etat et ne sont soumis à aucun organisme de régulation et de contrôle. Toutefois, cela n’empêche pas les parties d’avoir recours à des contrats-types définis par certaines associations professionnelles dans ce type de marchés. Par contre, les seconds se rapprochent des marchés réglementés, dans le sens où ils sont dotés d’un organisme qui organise les transactions et les règlemente d’une part, et sont régis par de nombreux textes législatifs et règlementaires qui encadrent ces lieux d’exécution d’ordres d’autre part. Il s’agit ainsi d’une différence de degré plutôt que de nature. En revanche, ils ne bénéficient pas d’une reconnaissance officielle de l’Etat, ce qui les rapproche des marchés de gré à gré. A ce niveau-là, on peut citer Turquoise, BATS et CHI-X comme exemples de marchés non réglementés.
La directive MIF 1 de 2004 a consacré les systèmes multilatéraux de négociation (SMN) comme type de marchés organisés, alors que la directive MIF 2 du 15 mai 2014 a ajouté les systèmes organisés de négociation (OTF). Ces derniers disposent d’un pouvoir discrétionnaire sur les modalités de l’exécution d’une transaction, contrairement aux SMN qui se caractérisent par une exécution des transactions et un accès non discrétionnaires.
De ce fait, un investisseur qui souhaite acheter ou vendre un instrument financier aura l’option entre l’entrée en contact direct avec un autre investisseur (sur un marché de gré à gré), ou le recours à un prestataire de service d’investissement PSI qui passera l’ordre demandé soit sur un marché règlementé, soit sur un marché non règlementé organisé (SMN ou OTF). A ces deux options là, le PSI pourra ajouter une troisième:
l’internalisation. Il s’agit de l’hypothèse où le PSI exécute de façon interne les ordres de ses clients, soit en se portant lui-même contrepartie de ces ordres (internalisateur
systématique pour compte propre), soit en appariant les ordres de ses clients comme contreparties respectives de leurs ordres (internalisateur simple).
B- Les régulateurs financiers
Normalement, le processus de régularisation commence par une loi qui organise, une police qui contrôle et une justice qui sanctionne. Toutefois, ce processus est incompatible avec le mécanisme des marchés financiers qui est très évolutif et technique par rapport à la loi, surtout que l’Etat est bien impliqué aussi, et très rapide et technique pour les
tribunaux. Par conséquent, ce processus classique a été remplacé par un système normatif qui repose sur une autorité de régulation. Celle-ci s’est vu attribuer le pouvoir
règlementaire, le pouvoir de contrôle ainsi que le pouvoir coercitif de sanction.
a- Au niveau interne: L’Autorité des marchés financiers AMF
Au Liban, l’Autorité des marchés financiers (AMF) est une autorité administrative indépendante créée par la loi n◦ 161 sur les marchés financiers du 17 août 2011. Elle est une personne morale du droit public qui est souvent présentée comme le gendarme de la bourse, c.à.d. l’autorité qui réglemente, supervise et surveille la conformité des activités
des marchés financiers au Liban par rapport aux dispositions de ladite loi. Les deux principaux objectifs de cette autorité sont, d’une part, la promotion du développement des marchés financiers et, d’autre part, la protection des investisseurs contre les activités frauduleuses, par le biais d’une réglementation conforme aux meilleures pratiques internationales et d’un contrôle strict de toutes les institutions qui
traitent des instruments financiers.
1- Le conseil de l’AMF
La gestion de l’AMF est confiée à un conseil composé de sept membres et présidé
par le gouverneur de la Banque du Liban. Ce conseil doit édicter les règles suivantes:
– les règles de pratique professionnelle qui s’imposent aux émetteurs lorsqu’ils
procèdent à une offre au public ou dont les instruments financiers sont admis aux négociations,
– les règles relatives aux offres publiques d’acquisition portant sur des titres financiers admis aux négociations,
– les règles précisant les conditions d’exercice des entreprises de marché, les chambres de compensation et leurs adhérents,
– les règles concernant les prestataires de services d’investissement,
– les règles régissant les activités de gestion pour le compte de tiers et lesplacements collectifs,
– les règles concernant la conservation et l’administration d’instruments financiers, – les règles de bonne conduite que doivent respecter à tout moment les intervenants
professionnels,
– les règles relatives aux personnes qui produisent et diffusent des analyses financières (surtout au niveau de la prévention des conflits d’intérêts).
De plus, le Conseil a le pouvoir de rendre des consultations et de donner son avis sur les projets de lois et décrets relatifs au fonctionnement et au développement des marchés financiers au Liban.
2- Le Secrétariat de l’AMF
Le Secrétariat veille à la bonne exécution des décisions du Conseil. Il suggère également à celui-ci des enquêtes et des inspections de potentielles concernant les
violations de la loi 161/2011 ou des règlements de l’AMF. De plus, le Secrétaire Général doit s’assurer de la transmission des plaintes du marché au Conseil. Il est également tenu de communiquer au Conseil les décisions prises par le Comité des sanctions (toujours non établi) et de les notifier aux parties concernées. Il est chargé aussi de soumettre les rapports de l’AMF au Conseil et de veiller à ce que les décisions réglementaires, les directives et les instructions générales de celui-ci soient publiées de manière officielle. Le Secrétariat suggère également au Conseil d’établir ou de modifier les différentes dispositions relatives aux marchés financiers.
3- L’Unité de Contrôle Financier (UCF)
L’UCF s’assure du respect par les intervenants des règles et des procédures proposées par l’AMF sur les marchés. De plus, elle veille à ce que les sociétés cotées en
bourse et les institutions financières, exerçant des activités liées aux valeurs mobilières, se conforment aux dispositions législatives ainsi qu’aux règlements et instructions en
vigueur. L’UCF procède par des enquêtes et des missions d’audit continues sur le marché afin de garantir le respect des règles et procédures susmentionnées.
4- Le Comité des sanctions
Le Comité des sanctions examine les violations reportées par le Conseil et prend les décisions qui s’imposent conformément à la loi 161/2011. Il est habilité à imposer des
sanctions administratives et des sanctions pécuniaires à toutes les parties, entités et personnes physiques qui usent des instruments et des services financiers.
Cependant, ce Comité qui devrait être présidé par un juge judiciaire et composé de deux professionnels en finance et de deux juristes spécialisés en droit des marchés financiers, n’a toujours pas été formé. Il est à noter qu’en pratique, le Conseil de l’AMF est en train de sanctionner les opérations sur le marché qui violent les dispositions de la loi 161/2011. En d’autres termes, ce Conseil est en train de remplacer le Comité des sanctions et de remplir ses fonctions.
5- Le Tribunal Spécial pour les marchés financiers
Le tribunal spécial pour les marchés financiers examine les conflits se rapportant aux opérations et/ou actes mentionnés dans la loi 161/2011. Il agit également en tant qu’organe compétent pour statuer sur les recours intentés contre les décisions prises par le Comité des sanctions. Par ailleurs, il intervient en tant que juridiction de première instance sanctionnant toutes les infractions liées aux délits d’initiés ou à la divulgation de fausses informations relatives à des valeurs mobilières, des
instruments financiers ou leurs émetteurs.
Nous relevons que le principe de séparation des pouvoirs est effectivement assuré entre les différents organes composant l’AMF, surtout au niveau de la séparation entre le
Conseil et le Tribunal Spécial propre aux marchés financiers. A côté de ce principe de séparation de pouvoirs, le fameux principe du contradictoire est
à son tour bien appliqué tant devant le Comité des sanctions que devant le Tribunal Spécial propre aux marchés financiers.
Le principe du double degré de juridiction est aussi garanti grâce au recours ouvert contre les décisions rendues par le Comité des sanctions devant le Tribunal Spécial des marchés financiers.
En France, l’Autorité des marchés financiers a été créée par la loi de sécurité financière du 1er août 200317 et modifiée par la loi n◦ 2010-1249 du 22 octobre 201018 sur la
régulation bancaire et financière. Cependant, alors que l’autorité coercitive du Comité des sanctions de l’AMF au Liban se limite à des sanctions professionnelles contre les Prestataires de Service d’Investissement (le « PSI ») en tant qu’autorité de tutelle, le Comité des sanctions de l’AMF en France a le pouvoir de sanctionner administrativement toute personne pour abus de marché, cette compétence étant assurée au Liban par le Tribunal Spécial pour les marchés financiers.
A côté de l’AMF en France, l’ordonnance n◦ 2010-76 du 21 janvier 201019 a instauré une autre autorité de supervision, l’Autorité de contrôle prudentiel, devenue suite à la loi n◦ 2013-672 du 26 juillet 201320 l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Elle a pour mission de veiller à la préservation de la stabilité du système financier et à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle.
Les missions et compétences attribuées à cette autorité sont prévues à l’article L.612-1 du Code monétaire et financier et suivants et peuvent être résumées comme étant un pouvoir de surveillance de la situation financière, de contrôle des exigences de solvabilité ainsi que de protection des consommateurs, de mise en place d’un régime de résolution nécessaire aux établissements de crédit et des entreprises d’investissement en cas de difficultés financières. L’‘ACPR’ est par contre dépourvue de tout pouvoir règlementaire. Cette autorité est connue en Angleterre par ‘Financial Conduct Authority’ (FCA) et aux États-Unis par ‘U.S. Securities and Exchange Commission’ (SEC).
b- Les régulateurs financiers européens
Les articles 114 et 127 §6 du traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (le traité FUE)21 a instauré le Système Européen de Surveillance Financière (SESF) qui a
pour but de garantir une surveillance financière homogène et cohérente au sein de l’Union européenne. Ce système repose sur les trois organes principaux suivants:
Premièrement, les Autorités Européennes de Surveillance (AES) qui sont au nombre de trois:
1- L’Autorité Bancaire Européenne (EBA) chargée d’assurer la stabilité du système bancaire et surtout de le préserver de tout risque de défaillance d’un établissement
qui pourrait entraver le fonctionnement de ce système;
2- L’Autorité Européenne des Assurances et des Pensions Professionnelles (EIOPPA) qui contribue à l’amélioration de la régulation en matière d’assurance et
de réassurance; et
3- L’Autorité Européenne des Marchés Financiers (AEMF) chargée de de la supervision financière spécialement en matière d’information et d’interprétation de
la législation européenne. Deuxièmement, le Comité Européen de Risque Systématique (CERS) responsable de la surveillance macro-prudentielle du système financier à travers l’émission d’alertes qui peuvent être rendues publiques complétées par des recommandations sur la modalité de traitement de ces risques.
Troisièmement, la Banque Centrale Européenne (BCE) chargée de veiller au fonctionnement efficace et cohérent de la supervision bancaire européenne. Une fois la structure des marchés financiers a été bien dessinée, il est temps de décortiquer les éléments qui sont à la base du fonctionnement de cette structure. En d’autres termes, quels sont les éléments gérés par l’infrastructure du marché et contrôlés par l’AMF? Qui sont les acteurs de ces marchés? Quels sont les instruments financiers
qui circulent sur ces marchés?
II- Le cadre opérationnel des marchés financiers
Le fonctionnement des marchés financiers nécessite des acteurs (A) qui concluent des transactions sur des instruments financiers (B).
A- Les acteurs du marché
Afin de pouvoir fonctionner convenablement, le marché financier doit contenir une offre (émetteurs) et une demande (investisseurs) dont la rencontre est généralement
assurée par des intermédiaires.
1- Les émetteurs:
Traditionnellement, les États sont financés à travers le recouvrement des impôts. Pour des besoins de financement supplémentaires, ils peuvent avoir recours à l’émission
de titres de dettes tant sur leurs propres marchés que sur les marchés universels. Hormis les Etats, les sociétés commerciales de droit privé peuvent aussi émettre des
instruments financiers pour s’autofinancer. Elles doivent être autorisées par la loi à émettre des titres négociables et des valeurs mobilières, d’une part, et à le faire par voie
d’offre au public d’autre part. Au Liban, les deux seules formes de sociétés autorisées à émettre des titres financiers sont la société par actions et la société en commandite par actions. Alors qu’en France, la société par actions simplifiée vient s’ajouter à ces deux formes susmentionnées pour l’émission d’actions et d’obligations mais sans pouvoir en émettre par voie d’offre au public. Il est à signaler que la notion d’offre au public est la nouvelle expression qui vient remplacer celle d’appel public à l’épargne. Cette notion implique que la société auteur de l’offre rentre en contact avec les investisseurs par tout type de procédé de communication visant à faire souscrire des titres par des investisseurs. Cela peut se réaliser soit directement ‘la communication à des investisseurs’, qui peut prendre la forme de publicité, de démarchage ou autres, soit à travers des intermédiaires de commerce ‘le placement des titres financiers’.
En droit libanais, cette opération a été définie par les articles 36 et suivants de la loi 161/2011. Toutefois, il faut préciser que cette définition reste incomplète puisque la notion du ‘public’ n’a pas encore été définie par l’Autorité des marchés financiers libanaise. De ce fait, il n’est pas aisé d’établir la distinction entre, d’une part, les sociétés
ouvertes ‘Public’ (en anglais), qui sont ouvertes à tous les investisseurs et, d’autre part, les sociétés fermées ‘Private’ (en anglais), qui sont ouvertes à certaines catégories
d’investisseurs. En revanche, le droit européen a pris le soin définir cette notion dans la directive n◦ 2003/71/CE du 4 novembre 2003 et le règlement n◦ 809/2004 du 29 avril 200422 qui ont été scrupuleusement transposés en droit français par les articles L. 411-1 et suivants du Code monétaire et financier.
Le grand principe qui règne en la matière est celui de la transparence. Lorsqu’une société devient cotée, elle n’est plus en droit de cacher aucune information et doit même
divulguer au public les informations importantes, et cela pour trois raisons principales:
– Premièrement, le cours d’un instrument financier résulte de la somme d’informations relatives à cet instrument disponibles à un moment donné − ce
qu’on désigne sous l’appellation de la théorie de l’efficience du marché.
Ainsi, suite au respect de ce principe par l’émetteur, le cours de l’instrument à un moment ‘t’ correspondra à sa juste valeur.
– Deuxièmement, le principe de transparence se conforme aux exigences du droit de la consommation qui consistent à éclairer le consentement de
l’investisseur afin que celui-ci puisse prendre sa décision d’investir ou de désinvestir en toute connaissance de cause.
– Troisièmement, le respect de ce principe permettra d’éviter les situations où des initiés puissent profiter des informations confidentielles au détriment du
public.
En application de ce principe de transparence, trois grands types d’obligations d’information incombent aux émetteurs:
i) L’obligation d’information périodique, qui est même applicable aux sociétés non-cotées, mais renforcée pour les sociétés cotées. Elle consiste à émettre un
rapport annuel à destination des actionnaires pour les informer de l’état général de la société (comptes et budgets, statuts des gérants, etc.);
ii) L’obligation d’information occasionnelle, qui est requise à chaque fois que l’émetteur exécute une opération de marché, notamment une émission de
titres, un rachat de titres ou encore offre au public. Cette obligation prend toute son ampleur dans le cadre d’une offre au public sous la forme d’un
document appelé le ‘Prospectus’. Ce document décrit de manière détaillée l’activité de l’émetteur, sa situation sur le marché ainsi que les caractéristiques
des titres émis. Sa diffusion est conditionnée par l’autorisation de l’AMF. En Europe, ce type d’obligation d’information est régi par la directive
2003/71/CE du 4/11/2003 − connue sous l’appellation de la directive ‘Prospectus’ − modifiée récemment par le règlement (UE) 2017/1129 du Parlement Européen et du Conseil du 14/6/201723. Quant au Liban, la mise en place de ce document est prévue à l’article 39 de la loi 161/2011 et dont le contenu est précisé par les dispositions de l’article 40 de cette même loi;
iii) Le troisième type d’obligation est l’obligation d’information permanente.
Celle-ci consiste à imposer à l’émetteur de révéler au public dès que possible toute information privilégiée, c’est-à-dire toute information précise, sensible
et confidentielle le concernant. En cas de violation de cette obligation, l’émetteur sera responsable d’un manquement boursier et même parfois de délit boursier. Toutefois, l’émetteur est susceptible de déroger à cette obligation d’information lorsqu’il décide de différer la publication de l’information pour préserver un intérêt légitime, sous réserve qu’il puisse assurer la confidentialité, la non-diffusion et la non-utilisation de cette information. En Europe, ce genre de violations est régi par la directive ‘Abus
de marché’ soit la directive 2003/6/CE du Parlement Européen et du Conseil du 28/1/200324
. Au Liban, le législateur a défini l’information privilégiée dans l’article premier de la loi 160 du 17/8/2011. Cette définition a été complétée par la décision n°6 rendue par l’AMF en date du 20/11/2013 qui a distinguée dans le paragraphe 6 de son article premier entre, d’une part, les sujets qui sont considérés de plein droit titulaire de ces informations et, d’autre part, les sujets dont la connaissance de ces informations doit être prouvée. L’exception à cette obligation de confidentialité est prévue par l’article 5 de ladite décision n◦ 6 rendue par l’AMF. Cette décision a été annulée et remplacée par le règlement de l’AMF n°4000 du 10 novembre 2016.
Il est à noter que le respect de ces obligations d’information est contrôlé par l’autorité de régulation des marchés financiers, soit l’AMF en France et au Liban, afin d’assurer une égalité entre les différents investisseurs sur le marché.
2- Les investisseurs:
Les investisseurs peuvent être répartis en deux catégories:
– Les ménages: ce sont les investisseurs non professionnels qui investissent directement sur les marchés financiers, sans passer par une institution
professionnelle d’investissement comme les sociétés de gestion de portefeuille. Au regard de la technicité de la matière, cette catégorie est en train de perdre
du terrain en faveur la deuxième catégorie.
– Les investisseurs institutionnels: ce sont des institutions professionnelles qui sont activement habituées à placer l’argent qu’elles ont collecté, leurs
trésoreries, dans l’Etat, les banques, les compagnies d’assurance et les Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM).
Les OPCVM sont définis comme étant des entités dont le but exclusif est de placer l’argent des investisseurs qu’ils récoltent par l’émission de parts ou
d’actions, dans les titres financiers présents sur les marchés. Ils sont normalement gérés par une société de gestion et doivent avoir un dépositaire
indépendant. Ils peuvent prendre deux formes juridiques: soit la forme d’une Société d’Investissement à Capital Variable (SICAV), soit la forme d’un fonds communs de placement (FCP). La première est un sujet de droit vu qu’elle est une société anonyme qui a pour objet la gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières alors que la seconde est dépourvue de personnalité morale, mais consiste en une copropriété de valeurs mobilières à laquelle la loi donne la capacité d’émettre des parts. Cependant, cette copropriété échappe aux dispositions propres à l’indivision prévues par le droit civil et est régie par un régime juridique particulier institué par des lois spéciales.
En Europe, le texte le plus récent régissant la matière est la directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 qui porte sur
les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (FIA). Selon cette directive, les placements collectifs désignent un ensemble de produits financiers formé de plusieurs sous-catégories, qui peuvent être subdivisées à leur tour.
De son côté, le droit français adopte un plan différent dans son code monétaire et financier qui distingue dans son article L. 241-1 entre les OPCVM et les FIA
et les autres placements collectifs. Quant au Liban, les organismes de placement collectif sont régis par la loi spéciale n◦ 706 du 9/12/2005. En application des dispositions de l’article 54 de cette loi, les dispositions du Code de commerce et de l’article 1er de la loi sur le développement des marchés financiers n◦ 520 du 6/6/1996 restent applicables tant qu’elles ne contredisent pas les dispositions de ladite loi 706/2005.
Depuis la loi 161/2011 et conformément aux dispositions de son article 32, toutes les compétences attribuées à la Banque du Liban par la loi 706/2005 en
la matière ont été transférées à l’AMF. En application des dispositions de l’article 32, l’AMF a pris en date du 10/2/2014 la décision n◦ 14 qui est venue
compléter la loi 706/2005 au niveau des conditions de formation et du fonctionnement de ces OPCVM. Cette décision a confirmé les dispositions des
articles 4 et 20 de la loi 706/2005 en précisant que ces organismes doivent prendre en principe les deux formes juridiques de SICAV et de FCP tout en y
ajoutant la sous-catégorie de Société d’Investissement à Capital Fixe (la « SICAF »), et en exigeant dans son article 2nd l’agrément de l’AMF pour la constitution de tels organismes. Cette décision a prévu aussi dans son article 7 que les établissements et intermédiaires financiers et les banques peuvent constituer ou participer à la constitution d’OPCVM sous condition de créer en leurs seins un organisme spécial indépendant chargé de la gestion de cet OPCVM.
Au niveau des investisseurs institutionnels, il faudrait distinguer entre les institutions qui offrent une gestion individuelle aussi appelée ‘gestion de portefeuille pour le compte de tiers’ d’une part et les institutions qui offrent une gestion collective d’autre part. Les premières ont pour objet de gérer de manière discrétionnaire et individualisée des portefeuilles incluant un ou plusieurs instruments financiers dans le cadre d’un mandat donné par le tiers. En revanche, les secondes ont pour objet de regrouper des investisseurs au sein d’un véhicule d’investissement géré par des professionnels pour le compte des
investisseurs. Après avoir présenté les différentes catégories d’investisseurs, il s’avère nécessaire de se concentrer sur les droits dont ils jouissent et les obligations qui leurs incombent. En ce qui concerne les droits des investisseurs, la question qui a fait le plus débat est celle de savoir si l’investisseur bénéficie toujours du même droit de propriété sur les titres financiers malgré l’intégration de la dématérialisation des marchés.
Auparavant, on considérait que l’investisseur avait un droit de propriété sur le titre financier qui était assimilé à un bien meuble corporel (ce droit était instrumentalisé par un papier). Toutefois, suite à la dématérialisation des marchés, le titre financier est devenu un bien meuble incorporel. Ainsi, l’investisseur qui acquiert un titre financier, exerce désormais son droit à travers une écriture informatique, une inscription en compte, d’où le dilemme.
La réponse fournie par le droit tant européen que libanais à cette question s’oppose à celle avancée par le droit américain. En effet, les premiers systèmes juridiques consacrent le plein droit de propriété de l’investisseur sur son titre malgré la dématérialisation des marchés, alors que le droit américain considère que l’investisseur bénéficie d’un droit de créance grâce au titre acquis ‘security entitlement’.
L’intérêt de cette question réside dans le fait que le droit de propriété de l’investisseur sur son titre le protège contre tous les cas où son prestataire de compte sera en difficulté. Il pourra dans des cas pareils revendiquer ses comptes. Un mécanisme appelé ‘ségrégation des comptes’ qui protège aussi l’investisseur contre les chaînes de Ponzi. En contrepartie de ce droit de propriété, il incombe aux investisseurs une obligation d’information essentielle connue sous le nom de ‘l’obligation de déclaration de
franchissement du seuil’ en fonction de laquelle l’investisseur qui s’approprie au delà d’un certain seuil d’actions du capital d’une société cotée est tenu de le déclarer et d’en
informer le marché.
L’intérêt de cette obligation est d’éviter la prise de contrôle rampante qui consiste à acquérir le contrôle de manière discrète d’une société cotée en bourse, sans proposer à
l’ensemble des actionnaires une offre sur la totalité du capital avec une prime de contrôle dans le cadre normal d’une offre publique. Cette pratique occulte viole les principes de transparence des opérations, du libre jeu des offres et de l’égalité entre les actionnaires.
La violation d’une telle obligation peut entraîner des sanctions propres au droit des sociétés, comme le fait de priver l’investisseur défaillant de son droit de vote pendant une durée déterminée, auxquelles peuvent s’ajouter des sanctions pécuniaires que peut imposer l’AMF ainsi que des sanctions pénales. Toutefois, il faut préciser que le rôle joué par les Prestataires de Services d’Investissement PSI sur les marchés aide considérablement à éviter ce genre de situation.
3- Les intermédiaires financiers: les Prestataires de Services d’Investissement
Comme leur nom l’indique, les PSI sont des entreprises qui ont été agréées pour fournir un service d’investissement. Pour bien comprendre la nature de ces PSI, il faut
ainsi commencer par préciser les services fournis par ces derniers (a), et cela pour savoir quels sont les agréments nécessaires en la matière (b), et définir enfin le régime qui leur est applicable (c).
L’assiette de la matière en Europe était bien la directive ‘DSI’ soit la directive 93/22/CEE du Conseil du 10 mai 199325 concernant les services d’investissement dans les valeurs mobilières. Cette directive a été abrogée et remplacée par les directives MIF 1 soit la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 200426 et MIF 2 soit la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 201427 .
En France, le législateur a adopté une approche plus globale. Conformément aux dispositions de l’article L. 531-1 du Code monétaire et financier, les PSI regroupent en
leur sein les sociétés de gestion collective de portefeuille qui font l’objet d’une règlementation particulière depuis l’adoption de l’ordonnance n◦
2017-1107 du 22 juin 2017 et cela pour se conformer encore plus au droit européen.
Au Liban, la loi principale qui régit les PSI est la loi n◦ 234 du 10/6/2000. Avant la mise en vigueur de la loi 161/2011, les PSI étaient soumis au contrôle de la Banque du Liban. Cependant, suivant les dispositions de l’article 29 de la loi 161/2001, tout PSI a désormais besoin de l’agrément de l’AMF. Cet article a même confirmé la définition
donnée aux PSI par l’article premier de la loi 234/2000 susmentionnée. L’AMF a déterminé par sa décision n◦10 du 9 janvier 2014 le cadre des activités des PSI et le cadre
opérationnel des PSI en adoptant les dispositions de la décision n◦6213 de la Banque du Liban du 28/6/1996 (circulaire n◦ 27). Cette décision a été abrogée et remplacée par le règlement ◦ 2000 de l’AMF du 19 janvier 2017.
a- Les services assurés par les PSI
Au niveau des services, il faut bien distinguer entre ceux rendus aux investisseurs et ceux rendus aux émetteurs. A l’égard des investisseurs, les PSI offrent quatre genres
services majeurs:
– le service de réception et transmission d’ordre (le « RTO »), où le rôle du PSI est assimilé à celui d’un mandataire de l’investisseur;
– le service d’exécution d’ordre pour le compte d’un tiers, où le rôle du PSI est assimilé à celui d’un commissionnaire;
– le service de gestion individuelle de portefeuille, où le PSI en l’occurrence une Société de gestion de Portefeuille (SGP) a pour mission de d’investir le plus
possible les fonds qui lui sont versés par son client, et où le rôle de la ‘SGP’ est assimilé à celui d’un mandataire de l’investisseur, ce qui nous rapproche du
régime de la fiducie ou du trust;
– le service de conseil en investissement financier.
Quant aux services offerts par les PSI à l’égard des émetteurs, ils peuvent être résumés comme tel:
– le service de placement, où le PSI placera les titres émis par le client-émetteur auprès des clients-investisseurs du PSI;
– le service de placement de garantie qui vient compléter le premier service, à travers lequel le PSI garantira au client-émetteur qu’il achètera lui-même le reste
des titres non-vendus par les clients-investisseurs;
– le service de la prise ferme qui est le service le plus utilisé et le plus rémunéré, à travers lequel le PSI souscrit immédiatement les titres et les offre lui-même au
public.
Pour pouvoir assurer ces services d’investissement, le PSI doit obtenir un agrément spécifique pour chaque service auprès de l’AMF.
b- Les conditions de l’agrément nécessaire aux PSI
L’AMF en tant qu’organe de contrôle, conditionne l’agrément par des conditions de solvabilité (un capital minimum), juridiques (une certaine structure de la société), des
conditions qui se rapportent à l’activité (les moyens humains et techniques employés) ainsi que des conditions de compétence (le profil des dirigeants), etc.
L’avantage d’un tel agrément est la limitation de la concurrence entre les PSI. De surplus, en Europe on relève l’existence d’un passeport européen qui permet à un PSI agréé dans un pays membre d’exercer son activité également dans tous les autres pays membres.
Les inconvénients de ce même agrément proviennent de la nature même de l’acte. Autrement dit, les PSI font face à des contraintes de tutelle de la part de l’autorité de contrôle aussi bien que des contraintes relatives à leur organisation dans le sens où les PSI sont soumis à des règles très contraignantes en matière de contrôle interne et de
gestion de risques.
c- Le régime juridique des PSI
Concernant le régime juridique, on distingue entre, d’une part, la relation des PSI avec le marché et, d’autre part, leurs relations avec leurs clients. Celles-ci dépassent
même le cadre contractuel.
Le PSI doit assurer des obligations précontractuelles dans ses relations avec ses clients. Il doit d’abord classer son client conformément aux catégories prévues dans la loi en tant que professionnel, non-professionnel, personne physique, personne morale, PME, etc. et
le tenir ensuite au courant de cette catégorisation. L’intérêt de cette première obligation réside dans la teneur des obligations qui sont rattachées à chacune des catégories légales. En d’autres termes, le PSI exécutera le reste des obligations en fonction de la catégorie du client.
La deuxième obligation des PSI envers leurs clients est une obligation d’information et de mise en garde. Celle-ci est adaptée à la classe du client ou la catégorie à laquelle il
appartient. Par conséquent, sa teneur varie beaucoup moins quand il s’agit des informations objectives qui portent sur les différents marchés etc., contrairement aux
informations sur les risques des opérations qui diffèrent énormément d’une catégorie à l’autre.
En plus de ces deux obligations, l’obligation de tester l’adéquation ‘scrutability’ de la demande du client par rapport à son profil et du caractère approprié du service au regard du marché. Ainsi, le PSI devra se renseigner auprès de son client sur la capacité financière de celui-ci, son expérience et ses compétences en matière financière ainsi que sur son objectif en matière d’investissement. En fonction de ces tests, le PSI doit dans certains cas refuser de rendre le service et d’exécuter l’ordre. C’est une obligation de ne pas faire, une atteinte à la liberté contractuelle prévue expressément par la loi. Dans le cas où le PSI ne réalise pas ces tests, sa responsabilité sera engagée.
Les PSI sont exemptés de cette obligation dans le seul cas de l’exécution simple ‘execution only’ où le client donne une instruction précise à son PSI sur un instrument
non complexe. Même dans ce cas-là, le PSI doit informer le client qu’il ne va pas lui faire passer les tests.
Au delà des trois obligations précontractuelles précitées, il incombent à la charge du PSI plusieurs autres obligations contractuelles définies ci-dessous:
– Premièrement, il incombe au PSI de formaliser le contrat signé avec le client.
– Deuxièmement, l’obligation de meilleure exécution envers ses clients selon
laquelle le PSI devra agir dans l’intérêt exclusif de son client lorsqu’il exécute l’ordre de celui-ci.
– Troisièmement, une obligation de loyauté selon laquelle le PSI devrait faire prévaloir les intérêts de son client sur ses propres intérêts. Cette obligation est
venue complétée celle de meilleure exécution.
– Quatrièmement, l’obligation de rendre compte au client de la mission demandée.
Par ailleurs, il incombe aussi aux PSI des obligations envers les marchés. Ces obligations assurent une meilleure sécurité des marchés surtout en matière de blanchiment d’argent et d’abus de marché. Ainsi, les PSI devront faire parvenir à leur autorité de tutelle, l’AMF toute pratique qui paraitrait constitutives d’acte de blanchiment d’argent ou d’abus de marché.
Après avoir bien défini les acteurs des marchés financiers, il faudrait s’attarder sur les différents genres d’instruments financiers sur lesquels ses derniers passent et opèrent des transactions.
B- Les instruments du marché
Les instruments financiers peuvent être répartis en deux catégories: les titres financiers (1) d’une part, et les contrats financiers de l’autre (2).
1- Les titres financiers:
Les titres financiers sont les actions (simples et de préférence) et les obligations − à l’exclusion des obligations complexes constituant une catégorie hybride entre les titres
de créances et les titres de capitaux − ou même ceux qui sont assimilés à celles-ci comme les bons de trésors (émis par l’Etat), les certificats de dépôt (émis par les banques). Il ne faut pas oublier aussi les parts dans les organismes de placements et les titres dérivés (les warrants et les certificats de valeur garantie). La différence majeure entre les actions et les cinq autres types de titres financiers réside dans le fait que les premières sont des titres donnant accès au capital social (titre de
capital), alors que les cinq autres ne constituent que des titres de créances. Le but commun de tous ces titres, à l’exception des titres dérivés, est le financement de
l’émetteur. En effet, il est évident que de nos jours, l’émission de titres financiers est devenue un moyen assez commun pour les États, les banques et les entreprises privées
pour se financer. Le caractère commun de ces titres est qu’ils sont tous négociables. En matière de titres financiers, le transfert de propriété s’effectue plus simplement que la cession de créance de droit commun, par le biais d’un virement d’un compte à un autre compte. Aussi, le transfert de propriété se réalise de manière plus sécurisée que celui d’une créance de droit commun, surtout avec la dématérialisation des marchés financiers. Contrairement à ce qui est prévu pour une cession de titres financiers, le cédant d’une créance de droit commun ne garantit que l’existence de la créance à la date de la cession sans être tenu à garantir la solvabilité du cessionnaire.
2- Les contrats financiers:
Les contrats financiers, aussi communément désignés sous l’appellation de produits dérivés, sont connus pour être des instruments financiers à terme (IFT).
Plusieurs classifications de ces contrats ont été proposées. On classifiera ces contrats en quatre catégories: (1) les contrats à terme ferme, (2) les options qui assimilées à des
contrats contenant une promesse unilatérale soit d’achat ‘call’ soit de vente ‘put’, (3) les contrats d’échange ou aussi connus par les swaps et (4) les autres contrats de transfert de risques comme les dérivés de crédit.
Ces contrats présentent cinq caractères communs:
– Premièrement, ils ont tous un produit sous-jacent pour objet qui peut changer d’un contrat à l’autre: de la marchandise (exemple : du blé, des hydrocarbures, etc.),
une devise (comme le dollar américain ou l’euro) ou un taux d’intérêt, etc.
– Deuxièmement, tous ces contrats se distinguent par un terme ou un décalage temporel entre la date de conclusion du contrat et la date de son exécution. Au
niveau juridique, cela est possible à travers l’engagement suite à une promesse ou une option.
– Troisièmement, les contrats financiers disposent des mêmes modalités d’exécution. Ils sont exécutés par la livraison du produit sous-jacent et le paiement du prix ou par le paiement d’une différence entre le cours du sous-jacent arrêté à la date de la conclusion du contrat et ce cours arrêté au la date de l’exécution de ce contrat. Ainsi, dans ce second cas, le vendeur payera la différence dans le cas où le cours a profité d’une montée, alors que l’acheteur payera la différence dans le cas
inverse.
– Quatrièmement, ces contrats qui ont également fait l’objet de dématérialisation, sont susceptibles de prendre de deux formats:
o les contrats standards rédigés par l’ISDA (International Swaps Derivatives Association). Ces contrats types prennent la forme d’une fiche technique à
laquelle souscrivent les investisseurs;
o les contrats non-standardisés qui sont les contrats négociés entre les parties. Cette catégorie est bien une catégorie subsidiaire.
– Cinquièmement, les contrats financiers assurent les mêmes fonctions. Ils visent tous la spéculation (une fonction commune avec d’autres types de contrats) et la
couverture (une fonction qui les distingue des autres types de contrats). Cette couverture est assurée par une prise de position inverse sur le marché à terme, que
celle prise sur le marché au comptant, à condition bien entendu que les deux positions portent sur le même sous-jacent. Ainsi, la partie cocontractante appelée
opérateur se couvre contre une évolution défavorable du cours sur le marché au comptant.
Hormis les cinq caractères communs susmentionnés, chacun de ces contrats présente des caractères qui lui sont propres.
Le contrat à terme ferme est un contrat à travers lequel les parties aussi appelées opérateurs s’engagent réciproquement à vendre et à acheter une certaine quantité de sousjacent au cours existant à la date de la conclusion du contrat (c’est-à-dire au prix négocié sur le marché le jour de la conclusion du contrat), tout en se mettant d’accord de reporter l’exécution de leurs obligations à une date ultérieure. Dans la plupart des cas (environ 99% des cas), la livraison de la chose vendue (du produit sous-jacent) n’aura pas lieu.
Ainsi, les opérateurs se contenteront de payer la différence entre le prix du sous-jacent lors de la conclusion du contrat et son prix le jour de l’exécution. En d’autres termes,
l’opérateur ne paiera ou ne recevra que la différence de cours. On peut donc relever des situations dans lesquelles (dans le cas de la baisse de cours du sous-jacent) le vendeur
payera à l’acheteur. Toutefois, il n’est pas à écarter l’existence des situations d’exécution simple du contrat, à savoir la livraison du produit vendu à l’arrivée du terme. Dans le
premier cas, la situation peut être perçue comme un pari autorisé par la loi. On parle d’un dénouement monétaire du contrat de vente à terme. Dans le second cas, il s’agit plutôt d’une vente à terme telle que régie en droit civil ; ce n’est autre que le dénouement classique de ce genre de contrat. En ce qui concerne les contrats d’option, il s’agit d’une promesse donnée par une partie d’acheter ‘call’ ou de vendre ‘put’ un actif quelconque à une date ultérieure ou pendant une période définie à un prix déterminé lors de la conclusion du contrat, en contrepartie du paiement d’une prime d’émission ‘premium’ (qui varie de 1 à 10%) par le bénéficiaire.
Afin de concrétiser les débouchées de ce type de contrat, nous proposons de le traiter dans l’exemple ci-dessous:
Un opérateur signe un contrat d’option dont le prix d’exercice est de 10.000$ avec une prime d’émission ‘premium’ de 1.000$. Ainsi, l’opérateur a payé au moment de la
conclusion du contrat la somme de 1.000$ et bénéficie ainsi de la possibilité de lever l’option ultérieurement.
Première hypothèse: le cours du sous-jacent à l’échéance est de 15.000$.
Si l’opérateur exerce l’option, il réalisera un bénéfice de 5.000$ (soit la différence entre le cours du sous-jacent au moment de la conclusion du contrat et à l’échéance). Il ne faut pas oublier de soustraire de ce bénéfice la prime déjà payée, qui est de 1.000$.
Deuxième hypothèse: le cours du sous-jacent à l’échéance est de 4.000$ L’opérateur aura intérêt dans ce cas de ne pas exercer l’option. Ainsi, ses pertes seront
limitées au prix de la prime payée, soit 1.000$.
Pour les contrats d’échange de flux d’intérêts ou de devises, aussi nommés les swaps de taux ou les swaps de devises ou de change, chacune des parties contractantes anticipe une évolution de cours, à partir de la date de la conclusion du contrat jusqu’à un certain terme, dans un sens inverse. Ainsi, les parties contractantes ignorent qui sera débiteur ou créancier du règlement à l’échéance convenue. A l’échéance, la partie qui aura gagné ‘ce pari’ encaissera la montant de la différence entre les cours.
Les contrats financiers sur risque de crédit ou les dérivés de crédit sont des instruments qui permettent pour une partie créancière (acheteur de protection) de se couvrir contre la dégradation de la qualité de crédit d’un débiteur. Le contrat portera sur le transfert des risques relatifs au crédit, sans transférer l’actif du crédit lui-même. La partie qui achète ce sous-jacent est appelée vendeuse de protection. Ce genre d’instruments financiers est le plus souvent acheté réciproquement par les banques. Ainsi, chaque banque diversifiera son portefeuille de crédit et par conséquent les risques encourus.
A la fin de cet essai de mapping du droit des marchés financiers, il faut avant tout saluer l’état actuel du droit libanais des marchés financiers. Ce droit, qui fait l’objet d’une
évolution continue, réussit constamment à répondre aux besoins du marché. Cet essai, bien imprégné par l’approche comparative, nous a permis de témoigner d’une
part de l’importance accrue de cette matière au niveau de l’économie tant nationale qu’internationale, et de confirmer d’autre part l’interconnexion entre les différents
marchés financiers locaux.
Ceci doit inciter le législateur libanais à se pencher vers une nouvelle approche en la matière. Une approche qui nous permettra de témoigner du développement de marchés
financiers plus riches au niveau opérationnel, et cela en acceptant une plus grande variété tant de produits que d’acteurs. Cet enrichissement nous conduira à assister à une
ouverture beaucoup plus importante de nos marchés financiers sur les autres marchés financiers de la région et voire même ceux encore plus éloignés.
La réalisation de cet essor au niveau financier local ne serait-elle pas un moyen supplémentaire de secours à notre économie nationale pour sortir de l’actuelle crise
économique? Cet essor ne nous permettra-il pas de nous lancer vers l’institution d’un passeport financier arabe? Un passeport qui redonnera ainsi à notre chère capitale
Beyrouth la chance d’être la porte d’accès sans entrave des pays d’occident à l’ensemble du marché des pays-arabes!
Les “certificats d’investissement” ou “depositary receipts (DR)”
Notion:
– Les DR représentent l’un des procédés les plus faciles et les plus communs pour les investisseurs non-résidents au Liban qui cherchent à acquérir des actions dans une société libanaise cotée sur des marchés autres que ceux du lieu de leur résidence.
– Les DR sont des titres négociables créés par des banques dans un Etat (banque dépositaire), pour représenter dans cet Etat, des actions émises par une société ayant son siège social dans un autre Etat (société émettrice).
Avantages et raisons d’être:
– Du coté des sociétés libanaises: Les DR permettent aux sociétés émettrices libanaises de pénétrer plus simplement un marché financier étranger, sans être obligées à respecter la règlementation propre à ce marché.
– Du coté des investisseurs non-résidents au Liban: Les DR offrent aux investisseurs non-résidents au Liban, un accès plus aisé aux titres émis par des sociétés libanaises cotées sur des marchés autres que ceux du lieu de résidence de l’investisseur, sans se soucier des pratiques de commerce extérieur, des différences dans les lois fiscales ou des transactions transfrontalières.
ex: Les ADR (American Depositary Receipts) ont permis aux investisseurs américains d’investir dans des titres émis dans les pays émergents.
Bref aperçu historique:
– Les premiers DR ont été créés depuis environ un siècle par la banque américaine «JP Morgan», afin de présenter des actions émises par une société anglaise (Selfridger Department Store).
Différentes formes et statistiques:
– ADR = American Depositary Receipts
GDR = Global Depositary Receipts (anglais et luxembourgeois)
HDR = Honk-Kong Depositary Receipts
IDR = Indian Depositary Receipts
BDR = Brazilian Depositary Receipts
– Les ADR correspondent en effet aux ¾ de la valeur totale des DR émis dans le monde entier vers la fin de l’année 2015, soit environ la somme de 500 milliards sur un total qui dépasse 700 milliards de dollars américains.
Mécanisme au niveau matériel/pratique:
– Il s’agit d’une modalité alternative et particulière permettant à des non-résidents au Liban de détenir indirectement des
actions émises par des sociétés libanaises. Au lieu d’acquérir «directement» une action dans une société libanaise, l’investisseur étranger pourra acquérir un autre titre –
un DR émis par une banque américaine – qui représente une action libanaise ou une fraction d’action libanaise.
– Contrairement à l’acquisition directe d’une action, l’alternative d’acquérir un DR permettra à l’investisseur de traiter d’un titre libellé en monnaie locale, de toucher les dividendes en monnaie locale, de se voir appliquer le règlement-livraison local et de pouvoir même négocier ce titre sur le marché local.
Mécanisme au niveau économique:
– L’investisseur étranger porteur d’un DR est assimilé au niveau
économique à un véritable actionnaire de la société émettrice
libanaise:
Il perçoit l’intégralité des dividendes distribués.
Il reçoit les documents établis par la société libanaise
émettrice.
Il peut le plus souvent formuler une consigne de vote.
– En même temps, les DR constituent un instrument financier
local pour l’investisseur étranger:
Le DR sera libellé en devise locale.
Il donnera lieu au versement des dividendes en devise
locale.
Il pourra être côté sur le marché étranger.
Il sera soumis aux règles locales du règlement-livraison.
Mécanisme au niveau juridique:
– En présence des DR, deux titres coexistent:
D’une part, l’action ou l’obligation émise par la société libanaise – titre originel.
D’autre part, le DR émis par la banque étrangère – titre intermédié.
Cette dualité de titres et ce caractère représentatif des DR sont source de difficultés
et de multiples interrogations.
- Comment justifier le mécanisme selon lequel un DR, qui représente une action émise sur un marché financier libanais, puisse en même temps rendre celle-ci
présente sur un marché étranger? - Faut-il assimiler purement et simplement le DR à l’action représentée? ou au contraire faut-il les distinguer?
- Ainsi, il importe de savoir qui, de l’investisseur étranger ou de la banque dépositaire étrangère, a la qualité d’actionnaire au regard du droit libanais?
Remarque préliminaire
- Le mécanisme des DR:
Les dispositions de l’article 458 bis 2 du Code de commerce libanais distinguent entre deux types de DR: les DR sponsorisés (A) et les DR non-sponsorisés (B).
Afin de mieux comprendre cette distinction, nous exposerons les différentes étapes de la mise en œuvre du programme d’émission de DR.
A- Les DR sponsorisés:
Le mécanisme de ce genre de DR est composé de trois étapes:
1- La première étape: Le « Deposit Agreement » Cette étape a été explicitement prévue par les dispositions de l’article 458 bis 2
§3(A) du nouveau Code de commerce libanais. Il s’agit d’un contrat conclu entre, d’une part, la S.A.L. émettrice des actions représentées et, d’autre part, la banque étrangère
(banque dépositaire). Ce contrat détermine les termes et conditions qui devront figurer dans le contrat qui sera conclu par la suite entre la banque dépositaire et les porteurs
de DR (le « Contrat d’émission de DR »).
Le « Deposit Agreement » traitera alors de ce qui suit:
– Des conditions de création et de transfert et de restitution des futurs DR;
– Des obligations du porteur des DR, notamment la déclaration d’un
franchissement de seuil;
– Des modalités d’exercice des prérogatives attachées aux actions
représentées par la banque dépositaire pour le compte des porteurs de DR
(ex: l’exercice du droit de vote).
L’originalité réside dans le fait que la S.A.L. émettrice et la banque dépositaire se
mettent d’accord dans un premier-contrat (Deposit Agreement) sur les termes d’un
second-contrat (Contrat d’émission de DR), auquel la S.A.L. émettrice ne sera pas
partie.
2- La deuxième étape: Le compte-titres
Cette étape est explicitement prévue par les dispositions de l’article 458 bis 2 §1 et §5 du nouveau Code de commerce libanais. Elle consiste en la remise par la S.A.L.
émettrice des actions représentées à la banque dépositaire. Celle-ci disposera d’un compte-titres ouvert en son nom au Liban et crédité du nombre d’actions à représenter.
Ce compte-titres sera tenu par le teneur de compte-conservateur au Liban – la société Midclear S.A.L. – qui jouera alors le rôle de custodian.
Selon les dispositions 458 bis 2 §3(A) de ce même code, la banque pourra acquérir les actions représentées par le biais, soit d’une souscription à une
augmentation de capital réservée à son bénéfice (1), soit d’une acquisition d’actions sur le marché secondaire libanais (2).
3- La troisième étape: Le Contrat d’émission de DR
Cette étape prévoit l’émission proprement dite des DR. Il s’agit d’un contrat d’adhésion établi par la banque dépositaire et signé entre celle-ci et l’investisseur. Ce
contrat déterminera le nombre d’actions ou la fraction d’action représentée par un DR.
Les clauses de ce contrat doivent corresponde à celles qui ont été stipulées
auparavant dans le Deposit Agreement.
Le Contrat d’émission de DR envisagera deux types de prérogatives au profit
des investisseurs:
– Des prérogatives afférentes aux DR: les modalités de transmission de ces titres,
le droit de demander la délivrance des actions contre la remise des DR.
– Des prérogatives relevant des droits attachés aux actions représentées: droit de
participer aux assemblées, droit de vote, droit préférentiel de souscription, etc.
De manière générale, ces prérogatives sont liées à la procédure de consultation
préalable, c’est-à-dire la détermination la manière selon laquelle la banque
dépositaire devra exercer ces droits puisqu’elle est la seule liée
contractuellement à la S.A.L. émettrice des actions représentées.
B- Les DR non-sponsorisés:
Actuellement, on estime qu’aux alentours de 40% des DR sont non-sponsorisés. Ce genre de DR a été consacré par les dispositions de l’article 458 bis 2 §3(B) du
nouveau Code de commerce libanais. Contrairement aux DR sponsorisés, l’émission des DR non-sponsorisés intervient à la seule initiative de la banque dépositaire, c’est-àdire sans passer par la première étape qui consiste à conclure un Deposit Agreement entre la banque dépositaire et la S.A.L. émettrices des actions représentées.
Le droit Libanais n’est pas allé au point d’envisager la possibilité que la S.A.L. émettrice de actions représentées puisse ignorer l’existence même de l’émission de
DR. En effet, les dispositions de l’article 458 bis 2 §3(B) du nouveau Code de commerce libanais exigent l’acception formelle de la S.A.L., même lorsqu’il s’agit d’une
émission de DR non-sponsorisés. Ces DR se caractérisent par la liberté dont dispose la banque dépositaire dans la détermination du contenu des clauses du Contrat d’émission des DR. Ainsi, la banque profitera généralement de cette faculté pour se faire attribuer une plus grande liberté de gestion (la banque dépositaire sera seulement soumise à une obligation de moyen qui sera relativement vague concernant les consignes qui auront vocation à lui être adressées par les porteurs de DR).
I- La nature juridique des DR
Les DR sont définis par l’article 458 bis 1 du Code de commerce libanais comme
suit:
« Les DR sont des titres nominatifs négociables, liés à des actions nominatives
d’une S.A.L., émis en dehors du Liban par un organe certifié dans le pays d’émission, et
cotés sur les marchés financiers règlementés. »
Cette définition des DR peut être considérée comme purement descriptive puisqu’elle ne précise pas la nature de ces titres. Toutefois, nous estimons que la
volonté du législateur libanais serait d’écarter la qualification des DR en tant que valeurs mobilières. Il en va ainsi puisque dans le livre 4 du nouveau Code de commerce
intitulé «Les effets de commerce et autres titres négociables », le législateur prévoit un Titre 6 propre aux DR qui est distinct du Titre 5 consacré aux valeurs mobilières.
Faute d’une consécration de catégorie juridique nommée, une lecture littérale du texte précité pourrait éventuellement aboutir à une interprétation erronée selon laquelle
un DR correspondrait à un simple document, un instrumentum qui matérialise, représente ou incorpore l’action émise par la S.A.L. émettrice. Or, les DR, au regard de
leur mécanisme décrit auparavant, constituent de véritables droits – negotium -, distincts des actions émises par la S.A.L. émettrice.
Ainsi, un DR défini comme étant un titre négociable, et ne se limitant pas à un simple instrumentum, constitue un titre financier dont la banque dépositaire est la
débitrice. Il désigne par conséquent, d’une part, un certificat – instrumentum – le depositary receipt stricto sensu, qui matérialise un depositary share – negotium –
d’autre part, qui est l’ensemble de prérogatives nées de la conclusion du contrat d’émission conclu entre l’investisseur porteur de DR et la banque dépositaire. (Rq: Ces
droits pourront être exercés par l’investisseur porteur de DR à l’égard de la banque dépositaire uniquement, surtout que la société émettrice n’a pas la qualité d’émetteur
de DR et ne fait pas partie du Contrat d’émission). En retenant la qualification de titre financier, il faut également préciser qu’il s’agit d’un titre de créance (par opposition à un titre de capital et à un titre émis par un organisme de placement collectif qui ne correspondent clairement pas au DR). Il faut souligner que le droit libanais, contrairement à d’autres législations, prévoit une définition légale restreinte des DR. Il en va ainsi puisque les dispositions de l’article 458 bis 1 du Code de commerce libanais se contentent d’envisager les DR représentant des actions, à l’exclusion des DR représentant des obligations. Par ailleurs, ce texte interdit la négociation des DR sur des marchés non-règlementés. Une fois la nature de la relation de l’investisseur porteur de DR et la banque émettrice a été convenablement qualifiée, il est utile de déterminer la personne qui sera titulaire de la qualité d’actionnaire au sein de la S.A.L. émettrice. A cette fin, il est indispensable d’étudier le régime juridique applicable aux DR.
II- Le régime juridique des DR
Afin de pouvoir trancher si l’investisseur porteur de DR dispose ou non de la qualité de propriétaire de l’action représentée et, par conséquent, de la qualité d’actionnaire de la S.A.L. émettrice, il faut, en l’absence de qualification légale, se référer aux stipulations des Contrats d’émission signés entre le premier et la seconde. Or, ces stipulations divergent énormément d’un programme d’émission à un autre puisque les DR ne correspondent pas à un modèle unique et prédéfini. De ce fait, il est utile de dégager un critère opérationnel, capable de trancher les différentes situations susceptibles de se présenter en pratique. A défaut de précisions explicites dans le Contrat d’émission de DR, il est nécessaire d’observer l’économie générale de ce contrat en se fondant sur un ensemble d’indices. L’exercice des droits financiers attachés à l’action représentée ne constituent pas un indice déterminant. Il en va ainsi puisque les droits financiers ne constituent pas un critère suffisant pour pouvoir acquérir la qualité d’actionnaire.
En droit libanais, la qualification d’actionnaire repose sur un critère puisé du droit des biens, à savoir le droit de propriété. De ce fait, le propriétaire de l’action est
actionnaire. Seul l’actionnaire ou l’associé dispose d’un droit de participer aux décisions collectives ainsi qu’un droit de vote. En suivant ce raisonnement, le critère d’attribution de la qualité d’actionnaire, entre la banque dépositaire émettrice de DR et l’investisseur porteur de DR, nécessite la détermination préalable du titulaire de ces droits. Toutefois, les conditions d’exercice de ces droits varient substantiellement d’un programme d’émission de DR à un autre. A cet égard, nous pouvons identifier deux catégories de programme d’émission de DR qui sont distinguées par les dispositions de l’article 458 bis 2 §6(B) du nouveau Code de commerce libanais.
A- Les DR conférant la qualité d’actionnaire à l’investisseur porteur de DR
En examinant les contrats d’émission de DR, nous constatons que la banque dépositaire remet à chaque porteur de DR des cartes ou formulaires de vote, avant la tenue d’une assemblée générale de la S.A.L. émettrice des actions représentées. Dans cette catégorie de DR, la banque dépositaire doit s’engager à ne pas faire usage du droit de vote en l’absence de consigne préalable de l’investisseur porteur du DR. Elle ne dispose pas ainsi d’une quelconque liberté et est contrainte de se conformer aux consignes de l’investisseur. Cette solution est en effet explicitement consacrée par les dispositions de l’article 458 bis 2 §6(B) du nouveau Code de commerce libanais. La banque dépositaire s’engage à respecter scrupuleusement les différentes consignes émanant des porteurs de DR. Elle est également tenue à voter dans le sens requis par le porteur de DR lorsqu’il se manifeste. De ce fait, la banque dépositaire ne bénéficie d’aucune autonomie de gestion sur ce point et est lié par une obligation de résultat et non pas de moyen envers le porteur du DR. En ce qui concerne le régime juridique qui régit la relation entre l’investisseur porteur de DR et la banque dépositaire, cette dernière agira en sa double qualité de commissionnaire et de dépositaire. La première qualité est validée, vu que la banque dépositaire agira en son nom propre pour le compte de l’investisseur porteur du DR, et non pas au nom de celui-ci (ce qui permet d’exclure la qualification de mandataire). La deuxième qualité de dépositaire s’applique étant donné que les trois éléments caractéristiques du contrat de dépôt sont réunis, à savoir: (1) une remise des actions représentées émises par la S.A.L. à la banque dépositaire, (2) une obligation de conservation de ces actions qui incombe à la banque dépositaire et (3) une obligation de restitution à première demande de ces actions à l’investisseur porteur de DR. La vérification des contrats d’émission des DR permet de constater qu’en pratique les situations décrites auparavant restent rarissimes. La banque dépositaire n’est généralement tenue que d’une obligation de moyens. Elle est tenue à réaliser les efforts d’un individu raisonnablement diligent pour voter dans le sens des consignes adressées par les porteurs de DR.
B- Les DR ne conférant pas la qualité d’actionnaire au porteur de DR
Dans cette catégorie de DR, la banque se réserve une liberté considérable de gestion des actions représentées émises par la S.A.L. et, cela, en exerçant de manière
discrétionnaire les prérogatives qui leur sont attachées. De surplus, le Contrat d’émission de DR peut prévoir que la banque dépositaire se réserve le droit de ne pas
suivre les consignes de vote ou même exclure toute procédure de consultation préalable des investisseurs porteurs de DR. La seule limite à la liberté de la banque dépositaire est l’obligation d’agir dans l’intérêt de la S.A.L. émettrice des actions représentées conformément aux dispositions de l’article 458 bis 2 §6(B) du nouveau Code de commerce libanais. Il reste à savoir s’il serait plus équitable de la part du législateur libanais d’imposer à la banque dépositaire dans des cas pareils, de voter dans l’intérêt du porteur de DR et non pas dans l’intérêt de la S.A.L. émettrice des actions représentées, puisque celui-ci est aussi le bénéficiaire des droits financiers, et c’est lui qui s’est personnellement investi en achetant les DR représentant ces actions. On croise généralement ce genre de stipulations dans les Contrats d’émission de DR non sponsorisés. Il en va ainsi puisque, comme envisagé précédemment, dans pareilles situations la banque dépositaire dispose d’une plus grande marge de manœuvre dans la rédaction desdits contrats. En ce qui concerne le régime juridique qui régit la relation entre l’investisseur porteur de DR et la banque dépositaire, celle-ci – en sa qualité d’actionnaire – ne peut
plus être considérée comme intermédiaire. En contrepartie, elle exerce les attributs de ladite propriété, non pas pour son propre compte, mais pour le compte exclusif des
porteurs de DR. Ainsi, cette situation illustre parfaitement la fameuse distinction du droit anglo-américain, confirmée par les dispositions du nouveau Code de commerce
libanais, entre la propriété juridique ‘legal ownership’ qui revient à la banque dépositaire, et la propriété économique ‘beneficial ownership’ qui revient au porteur de DR. De ce fait, la banque dépositaire sera qualifiée de ‘trustee’. Par contre, les porteurs de DR seront à la fois les constituants et les bénéficiaires du ‘trust’ puisqu’ils versent une somme d’argent à la banque dépositaire à charge pour celle-ci d’acquérir avec ces fonds les titres représentés, de les gérer pour leur compte exclusif et de leur en
transférer la propriété à la fin de l’opération. Une question qui s’impose est celle de savoir s’il serait raisonnable de refuser la qualité d’actionnaire à la plupart des porteurs de DR, alors que ceux-ci supportent l’aléa social?
La réponse à cette question nous semble claire. Nous ne pouvons envisager de manière identique un actionnaire d’une société libanaise et le porteur d’un DR qui
représente une action libanaise, car celui-ci a opté sciemment pour l’acquisition d’un titre distinct de l’action, dans le but d’acquérir un titre local. Ainsi, il serait aberrant
d’admettre que l’on puisse profiter des avantages sans supporter les inconvénients qui y sont inhérents. Un investisseur en actions n’est pas nécessairement un actionnaire, et le régime juridique des DR en est la preuve parfaite. A cet effet, il revient à chaque investisseur de déterminer la nature de son investissement en fonction de ses propres calculs de risque!
